Reprendre le travail après un cancer du sein, pas si facile…
Franchir la porte du bureau, c’est le premier pas vers le retour à une vie normale après une longue maladie. Plusieurs semaines, plusieurs mois se sont écoulés depuis la dernière fois où l’on a effectué cet acte banal : aller travailler. Il s’en est passé des choses, entre ces deux journées. Le choc de l’annonce, le tourbillon des radiologues, oncologues, gynécologues, anesthésistes, chirurgiens. L’opération, l’hôpital, le retour à la maison. Les journées rythmées par les soins infirmiers, les rendez-vous de suivi, les protocoles à mettre en place, plus ou moins longs, plus ou moins invasifs. La douleur, la fatigue omniprésentes. Le bras du sein opéré collé le long du corps, épaule bloquée. Puis la rééducation chez le kiné, le corps qui doucement se remet à fonctionner, la cicatrice et la prothèse qu’on apprivoise.
Et puis un beau jour, le service de santé au travail vous autorise à reprendre le boulot. A temps partiel. Se lever tôt, s’habiller, petit-déjeuner, faire le trajet familier entre la maison et le boulot, s’assoir à son bureau et retrouver ses mots de passe, voir s’afficher un écran tout en rouge, avec des centaines de mails à ouvrir. Saluer ses collègues : c’est là que les vraies difficultés démarrent.
Le cancer du sein, c’est cette drôle de maladie qui touche principalement les femmes (même si les hommes aussi peuvent être concernés). Cette maladie dans laquelle c’est le traitement qui fait mal et qui épuise, pas le cancer en lui-même. Cette maladie invisible qui vient percuter la femme dans l’un des symboles de sa féminité, son sein. Et ces regards furtifs, qui ne peuvent s’empêcher de descendre dans le décolleté…
Le cancer du sein comporte un supplément de difficulté : c’est principalement un cancer de femme. Et la difficulté de la gestion du retour au travail sera corrélée à la façon dont l’organisation considère ses salariées.
Le retour au travail pose de nombreuses questions tant à la salariée concernée qu’à ses collègues et à l’entreprise dans son ensemble. Il peut mettre en lumière le mode de fonctionnement et la culture managériale de l’organisation.
La salariée doit composer avec la façon dont elle vit, accepte, métabolise le cancer et ses suites, la fatigabilité invisible et insidieuse. Nombreuses sont les femmes qui revoient l’ordre de leurs priorités après un cancer. L’enjeu professionnel pour elles consiste à trouver le juste rythme et la juste charge de travail pour reprendre durablement une activité. Un travail de fond sur soi en étant accompagnée est généralement une bonne idée.
L’équipe de travail, les collègues doit faire face au retour d’un membre de l’équipe après une absence généralement longue. Ils se sont organisés. L’activité a tourné sans la collègue malade. Le retour au boulot de la salariée après un cancer, c’est perturbant pour le collectif. Perturbant pour l’organisation qui s’est mise en place pendant l’absence. Perturbant pour les femmes et les hommes qui réagissent chacun à leur façon à ce mot qui fait encore peur : cancer. Comme si c’était contagieux… Pas évident de trouver la juste posture, la réaction adéquate pour entrer à nouveau en contact avec la collègue. De la pitié à l’indifférence, l’éventail des réactions possibles est large. Gageons que plus l’ambiance est bonne, que plus la confiance et la libre parole règnent, plus la ré-intégration dans le collectif est facilitée.
Le manager a également un rôle majeur à jouer dans la gestion du retour. Entretien de pré-reprise, écoute centrée sur les capacités à faire tant intellectuellement que physiquement, compréhension sans commisération, tout est question d’équilibre. Une culture managériale axée sur un mode de relation adulte / adulte, un travail de fond sur les stéréotypes et les préjugés sur les femmes qui sont souvent absentes, a fortiori lorsqu’elles sont malades et qui plus est mères de famille, un corpus réglementaire favorisant l’équilibre vie professionnelle – vie privée sont autant d’outils à mettre à disposition du manager pour l’aider à adopter la juste posture. Ni trop aidant, ni trop peu.
La culture d’entreprise enfin, probablement la dimension la moins connue et la moins travaillée, peut être un frein ou un atout dans le retour au travail après un cancer du sein. Rôle et place des femmes dans l’entreprise, culture de la performance à tout prix ou non, droit à l’erreur, valeur du collectif primant sur les valeurs individualistes, sexisme ambiant ou combattu, diversité des profils, des genres, des âges, des diplômes, des origines, etc. sont autant d’éléments qui contribuent à créer la culture d’entreprise. L’exemplarité des dirigeants est primordiale, à tout point de vue, dans l’acceptation des différences et la promotion du vivre ensemble, durablement, au travail.
Reprendre le boulot après un cancer du sein ? Pas si simple… Si vous avez envie de partager votre expérience, si vous souhaitez construire les conditions pour favoriser le retour de vos salariées, parlons-en !
Crédit photo © Gregory HAU